[...] Je rêvais de lui toute la nuit.» [...] J'appris la mort de Franco. Avec papa, c'était une génération qui s'éteignait.» [... ] Nelly Guerlain, s'adressant à Louis et Yvonne, raconta le mal qu'elle avait eu lors de la dernière chasse à courre, à servir le cerf qui s'était réfugié dans un étang ! Elle dut entrer dans l'eau et le larder de coups de poignard pendant que les chiens le dépeçaient encore vivant ! Du coup, elle avait attrapé la grippe... Quelle saloperie de cerf ![... ] Je me levai, j'étais livide. Je lui dis : «Savez-vous, Madame, ce qu'est le pire pour une femme Guerlain? C'est qu'on ne puisse pas la sentir». [...] Pendant ce temps, Mirko avait pris dans ses bras un petit bébé phoque et me l'amenait. J'ai vécu un moment d'amour unique et inoubliable avec ce petit animal, le bonheur d'enfouir mon visage dans la chaleur de sa fourrure, sa confiance, son regard extraordinaire, je pleurais de joie et de désespoir, je le serrais sur mon coeur, le berçais comme un enfant. Il avait l'air de comprendre l'immensité de mon amour pour lui. J'embrassais son petit museau humide et mes larmes rejoignaient les siennes : O petit bébé phoque ! Merci de l'immense bonheur que tu m'as donné. Merci d'être vivant, doux, et de faire encore confiance aux hommes malgré le mal qu'ils ont fait à tes millions de frères...» [... ] Robert Badinter, cet avocat qui fut le mien, était aussi le sien et voulait devenir ministre de la Justice. Bien que nous ayons eu des mots et que nous nous soyons séparés pour d'amères et sinistres questions d'argent, il fit appel à moi. Si j'aimais Christina, je devais aller voir mon cher Valéry Giscard d'Estaing et lui demander la grâce de Christina. Ce que je fis. Valéry était Président de la République, il me reçut chez lui, pensant à toute autre chose, mais certainement pas au problème insoluble que j'allais lui exposer. «Comment va votre cur, chère Brigitte? — Il va mal, Valéry, c'est pourquoi je suis ici». Et Valéry de mettre sa main sur ma cuisse, pensant qu'un problème d'amour m'amenait chez lui! Lorsque je lui parlai de Christina et du pourquoi de ma visite, il fut visiblement choqué! «Mais, ma petite Brigitte, le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, a tout pouvoir! Même moi, je ne peux rien pour elle, ni pour vous. — Valéry, si vous m'aimez un tout petit peu, faites quelque chose pour elle, je vous en supplie». Et Valéry de remonter un peu sa main sur ma cuisse et de me demander s'il pouvait faire quelque chose pour moi. «Avez-vous suffisamment de fuel?» (C'était l'année où on manquait de fuel de chauffage!) [... ] Je pus quitter l'hôpital un samedi matin. Personne n'était là pour me ramener chez moi, rue de la Tour. Allain, toujours en Autriche, Olga occupée par je ne sais quoi, Maryvonne chez elle à Soissons, Mijanou à un rendezvous important. Je me retrouvais seule avec mes redons, deux bouteilles qui pendouillaient au bout de deux drains profondément enfoncés sous les chairs de mon sein et de sous mon bras où une immense cicatrice avait été faite pour m'enlever douze ganglions. J'étais prête à prendre un taxi quand mon chirurgien, le Docteur Fraïoli, passa pour l'ultime visite. Gentiment, il me ramena chez moi et me laissa seule au milieu de mon petit appartement, après m'avoir rappelé que des rayons au cobalt indispensables devraient être faits dans les mois à venir et qu'une chimiothérapie douce serait une précaution utile.» [... ] Je me souviens de la beauté de cet environnemnt, du décor luxueux au milieu duquel il me semblait impossible de vivre. Par exemple, je poussai une revue ouverte sur une chaise afin de trouver un endroit où m'asseoir, mais Serge se précipita, remit la revue ouverte à la bonne page sur la chaise et me demanda très gentiment mais fermement de ne pas toucher à quoi que ce soit.» [... ] Du coup, le conseil municipal vota rapidement un projet de refuge moderne qui devait être terminé vers la fin de 1987.» [... ] J'allais sur les tombes de Nini et Roudoudou et je pleurai. Tout à coup, j'eus l'envie folle d'en finir une bonne fois pour toutes avec cette existence qui me brisait, me blesait, contre laquelle je ne pouvais plus me battre, non par lâcheté, mais par lassitude, immense lassitude.[... ] J'avalai donc 24 comprimés. Puis, j'allai m'étendre sous la lune près de Nini et Roudoudou. «Bonne année à tous ceux que j'aime!»