Jacques Viguier est acquitté et il peut remercier ses avocats. Malmenés lors des débats, souvent retranchés derrière les doutes qu'ils exprimaient autant que permettait le dossier, lâchés par un client incappable de se défendre ne serait ce que par des phrases simples ou des émotions, Mes Catala et Leclerc ont renversé la situation en l'espace de 5 heures de plaidoires. Me Catala, au plus près du dossier, de ses impasses, de ses certitudes, de ses manques. Trois heures à férailler mercredi soir, presque jusqu'à l'épuisement.
Pour défendre, comme au premier jour, le 10 mars 2000 quand Jacques Viguier, victime de la disparition de sa femme est devenu suspect de l'avoir fait disparaître... « Cet homme est resté debout pendant neuf ans. Neuf années terribles dès le premier jour. Neuf années avec ses enfants qui l'ont déjà acquittés ! » Mais au-delà des effets de manche, l'avocat toulousain a su faire entrer le doute dans la tête des jurés. Parlant de tout, caricaturant ou simplifiant, interrogeant ou répondant. L'art de défendre poussé presque jusqu'au sommet de l'acquittement. Loin, très loin en tout cas des 15 à 20 années de réclusion criminelle réclamées par l'avocat général Marc Gaubert.
Et hier matin, avec sa incroyable expérience, Me Henri Leclerc a su parachever l'impossible retour. « Certes il ne se défend pas bien, dit-il à propos de Jacques Viguier, toujours atone dans son box. Ce sont souvent les innocents qui se défendent les plus mal... » Un avertissement pour les jurés et le départ de deux heures d'explications à mi voix, en douceur. Presque des confidences. « Comment se forge l'erreur judiciaire ? Par la conviction policière ! Elle éclaire les faits à la lumière des hypothèses, d'un seul côté ». Sur le matelas disparu du clic-clac, poutre maîtresse de l'accusation, Me Leclerc sort de sa manche un élément dévastateur : « Jacques Viguier a tué sa femme dans ce lit plein de sang ! Jacques Viguier a tué sa femme et il va y faire dormir... sa maman ! Pendant trois nuits ? Cela vous paraît possible ? Cela vous paraît possible ! » Il ne chuchote plus, il ébranle.
Et l'avocat retrouve sa douceur pour replonger dans ses souvenirs. « Les cours d'assises sont quelque fois des lieux de malheur. Si vous rendez une décision de condamnation, je me vois sortir et consoler ses enfants. Qu'est-ce que je pourrais leur dire ? Vous n'allez pas les convaincre parce que vous n'êtes pas convaincus. Parce que Jacques Viguier n'a pas tué sa femme. Comme vous ne pouvez pas en avoir la certitude, alors, vous lui direz, vous leur direz de repartir. Ce ne sera pas une erreur judiciaire. Je ne crois pas que l'on puisse dire avec certitude que Jacques Viguier a tué sa femme. Vous devez l'acquitter !»